Toute l’actualité des marchés publics – Juillet 2020

Actualité normative

Ordonnance n° 2020-738 du 17 juin 2020 portant diverses mesures en matière de commande publique

L’ordonnance du 17 juin 2020 prise sur le fondement de la loi du 23 mars 2020 instituant l’état d’urgence sanitaire en raison de l’épidémie de covid-19 a pour objet de relancer l’économie et soutenir les entreprises et principalement, les PME.

L’ordonnance est composée de six articles dont trois relatifs aux règles applicables aux procédures de passation et l’exécution des contrats de la commande publique et trois aux modalités d’application de l’ordonnance.

L’article 1er revient sur le motif d’exclusion relatif à l’admission des entreprises à la procédure en redressement judiciaire. A compter de l’entrée en vigueur de l’ordonnance, l’admission à la procédure en redressement judiciaire ne constitue plus un motif d’exclusion dès lors que l’entreprise candidate bénéficie d’un plan de redressement. Auparavant, les entreprises placées en redressement judiciaire étaient tenues de justifier, lors du dépôt de leur offre, qu’elles étaient habilitées, par le jugement prononçant leur placement dans cette situation, à poursuivre leurs activités pendant la durée d’exécution du marché (Conseil d’État, 24 mars 2014, Commune de Chaumont, n° 374387).

L’article 2 impose aux acheteurs de prévoir, pour les marchés globaux, une part minimale d’exécution du marché au profit des PME ne pouvant être inférieure à 10 % du montant prévisionnel du marché. Ces marchés sont, aux termes de l’article L. 2171-1 du code de la commande publique, les marchés de conception-réalisation, les marchés globaux de performance et les marchés globaux sectoriels.

A cet effet, le gouvernement impose que les critères d’attribution prennent en compte la part d’exécution du marché confié aux PME ou à des artisans. Les marchés de défense et de sécurité ne sont pas soumis à cette disposition et la structure économique du secteur doit permettre une telle réserve d’exécution au profit des PME. Cette disposition est directement inspirée du régime existant dans les contrats de partenariat (article L. 2213-14 du code de la commande publique).

L’article 3 interdit de tenir compte de la baisse du chiffre d’affaires intervenue au titre du ou des exercices sur lesquels s’imputant les conséquences de la crise sanitaire lors de l’analyse des candidatures.

Ces dispositions s’appliquent aux contrats de la commande publique dont l’avis d’appel public à la concurrence a été envoyé à compter de l’entrée en vigueur de l’ordonnance, soit le 18 juin 2020. Les dispositions des articles 1 et 2 sont en vigueur jusqu’au 10 juillet 2021, celles de l’article 3 sont applicables jusqu’au 31 décembre 2023.

Communication de la Commission européenne sur l’utilisation des marchés publics dans la situation d’urgence liée à la crise de la COVID-19.

La communication de la Commission européenne publiée au Journal officiel de l’Union européenne du 1er avril 2020 expose les options et marges de manœuvre, pour les acheteurs, permises par le droit de l’Union européenne régissant les marchés publics en vue de l’achat de fournitures, services ou travaux nécessaires pour faire face à la crise.

La Commission a en particulier porté son attention sur la passation des marchés publics en cas d’extrême urgence. A cet effet, elle rappelle que la procédure négociée sans publicité permet de faire une attribution directe soumise aux seules contraintes liées à la disponibilité réelle et à la rapidité de la livraison.

Elle recommande également d’envoyer des représentants auprès des fournisseurs, de jouer un rôle actif sur le marché en contactant directement les candidats et de recourir aux moyens de télécommunication numériques.

En ce qui concerne les dispositions de la directive, la Commission rappelle que celles-ci permettent de raccourcir les délais de procédure en cas d’urgence ou de publication d’avis de préinformation.

Actualité jurisprudentielle

Décompte général et définitif tacite – Cour administrative d’appel de Versailles 27 février 2020, SA Atelier Bois, n° 19VE01401

A la suite de la réalisation d’un marché de travaux et de sa réception, l’entreprise titulaire du contrat avait adressé à l’acheteur une proposition de décompte. A la suite du refus de l’acheteur d’entériner le projet de décompte, le titulaire du contrat a adressé un projet de décompte général, rejeté par courrier. Quelques mois plus tard, l’acheteur a notifié un décompte général dont le solde était inférieur à celui demandé par le titulaire.

Pour le titulaire du contrat, ce décompte ne pouvait être qualifié de décompte général et définitif en se prévalant de ce que, faute de réponse à son projet de décompte général dans le délai de 10 jours, celui-ci était devenu le décompte général et définitif de son marché.

Le tribunal administratif de Versailles n’avait pas suivi ce raisonnement mais la Cour administrative d’appel de Versailles a estimé que la réception des travaux avait été prononcée et que les réserves ne faisaient pas obstacle au déclenchement des délais donnant naissance à un décompte tacite.

Cette décision est une application de l’article 13.4.4 du CCAG-Travaux qui permet au titulaire, de passer outre l’inaction du maitre d’ouvrage et de provoquer la naissance d’un décompte général et définitif. Elle illustre le mécanisme de mise en œuvre de cet article, à savoir :

  • réception des travaux (tacite ou expresse) avec ou sans réserve,
  • transmission régulière par le titulaire de son projet de décompte final,
  • négligence de l’acheteur par inaction.

Au titre de la dernière version du CCAG-Travaux, l’acheteur n’a donc aucun intérêt à ne pas répondre au projet de décompte du titulaire. Une inaction de sa part lui fait encourir le risque de valider implicitement ledit projet sans pouvoir le contester ultérieurement.

 

Intérêts moratoires et transaction – Cour administrative d’appel Douai, 27 février 2020, société Territoire 62, n° 18DA02505

A l’achèvement d’une concession d’aménagement urbain, les parties n’ont su s’accorder sur les sommes dues entre elles et plus particulièrement, le déficit de l’opération. Aux termes des pourparlers, les parties ont fini par accepter pour le concédant le versement de la somme de 850 000 euros au profit du concessionnaire et pour le concessionnaire la renonciation aux intérêts moratoires.

Des membres de l’assemblée délibérante de la collectivité publique ont contesté la validité de cette transaction.

Cet arrêt illustre plusieurs points de droit des contrats de commande publique :

– « Si la transaction conclue par une personne morale de droit public, est, en principe, un contrat de nature civile, tel n’est pas le cas où il est manifeste que les différends qui s’y trouvent compris ressortissent principalement à la compétence du juge administratif. En l’espèce, la transaction en litige a pour objet de mettre fin à un litige relatif à l’exécution d’un contrat administratif ». Si le différend réglé par la transaction est manifestement de la compétence du juge administratif, alors ce dernier est compétent pour homologuer la transaction qui a pour objet de régler ce différend.

– les membres d’assemblée délibérante, au même titre le représentant de l’Etat sont des tiers privilégiés qui ne sont pas soumis à la condition de l’intérêt à agir pour introduire une action en contestation de validité du contrat.

– les intérêts moratoires sont d’ordre public, une renonciation à leur versement est prohibée par le droit des marchés publics (article L. 2192-14 du code de la commande publique).

Au cas présent, la concession d’aménagement avait les attributs, non d’une concession, mais d’un marché public. Le contrat stipulait en effet que la collectivité prendrait en charge le risque financier et notamment, le solde négatif résultant de l’opération à son expiration. Dès lors, les parties ne pouvaient renoncer au versement des intérêts moratoires. La transaction a ainsi perdu les caractéristiques attachées à une transaction, à savoir des concessions réciproques entre les parties, elle encourt dès lors l’annulation dans son ensemble.

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