Newsletter CFPA – Juillet 2018
Actualité jurisprudentielle
La légalité de critères sociaux d’attribution – Conseil d’État, 25 mai 2018, Nantes Métropole, n° 417580
Aux termes de l’article 62 du décret n° 2016-360 du 25 mars 2016, pour choisir l’attributaire du marché, l’acheteur peut se fonder soit sur le critère unique du prix ou du coût, soit sur une pluralité de critères.
Ces critères doivent être rendus publics dès l’engagement de la procédure, dans l’avis d’appel public à concurrence ou, à défaut de la publication d’un tel avis, dans le dossier de la consultation.
Si l’acheteur fait le choix de recourir à d’autres critères que le critère unique du prix ou du coût, il doit également informer les soumissionnaires sur les conditions de leur mise en œuvre (pondération ou hiérarchisation). Cette même obligation est étendue aux sous-critères, dès lors que ces sous-critères sont susceptibles d’exercer une influence sur la présentation des offres par les candidats ainsi que sur leur sélection.
La présente décision donne un éclairage sur les possibilités accordées à l’acheteur quant aux choix des critères et sur le contrôle qu’exerce le juge administratif sur ce choix.
Le législateur a, en effet, entendu encadrer le pouvoir des acheteurs. En effet, les critères d’attribution doivent être non-discriminatoires et, aux termes de l’article 52 de l’ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics, précis et liés à l’objet du marché ou à ses conditions d’exécution. Ils sont donc choisis par l’acheteur au regard des modalités appropriées à l’objet, des caractéristiques ou des conditions d’exécution du marché en cause.
Au cas présent, Nantes Métropole, agissant comme mandataire d’un groupement de commandes, a lancé une consultation pour la passation d’un accord-cadre multi-attributaires portant sur la réalisation de travaux d’impression. Un des candidats évincés a saisi le juge du référé précontractuel. Parmi les moyens soulevés, le requérant soutenait que les critères relatifs à la politique générale de l’entreprise ne pouvaient être des critères légaux.
Après avoir rappelé que si par principe, un acheteur est fondé à insérer des critères à caractère social, cette insertion doit être en lien avec l’objet du marché ou avec ses conditions d’exécution. A ce titre, les critères sociaux peuvent être relatifs notamment à l’emploi, aux conditions de travail ou à l’insertion professionnelle des personnes en difficulté, ils peuvent concerner toutes les activités des entreprises soumissionnaires, pour autant qu’elles concourent à la réalisation des prestations prévues par le marché.
Ainsi, au cas présent, Nantes Métropole avait fait le choix de recourir à un critère relatif à la politique générale de l’entreprise en matière sociale. Pour le Conseil d’État, l’utilisation d’un tel critère social, apprécié au regard de l’ensemble des activités des candidats et indistinctement applicable à l’ensemble des marchés de l’acheteur, indépendamment de l’objet ou des conditions d’exécution propres au marché en cause, est illégal.
La procédure de passation a donc été annulée.
Avis d’appel public à la concurrence et informations indispensables – Cour administrative d’appel de Marseille, 19 mars 2018, Préfet des Alpes-Maritimes c/ Communauté d’agglomération de la Riviera française, n° 16MA02355.
L’avis d’appel public à la concurrence est le document structurant d’une procédure de passation d’un marché public. Il permet de susciter la concurrence des entreprises en les informant que l’acheteur lance une procédure de consultation pour l’attribution d’un marché public et de communiquer les informations essentielles du contrat à venir.
A cette fin, il comporte des mentions obligatoires auxquelles l’acheteur ne peut se dérober sous peine d’encourir l’annulation de sa procédure, comme c’est le cas en l’espèce. Certaines omissions ou inexactitudes affectant les mentions de l’avis d’appel public à la concurrence sont constitutives d’un manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence de l’acheteur pouvant entrainer l’annulation de la procédure ou la résiliation du contrat en cours d’exécution.
L’avis d’appel public à la concurrence doit, dès lors, faire apparaitre, a minima, les critères d’attribution et leur pondération, l’objet du marché, les modalités de financement et les voies et délais de recours.
Il se présente sous forme d’un modèle d’avis européen, publié au journal officiel de l’Union européenne fixé par un règlement de la commission européenne (Règlement d’exécution (UE) 2015/1986 de la Commission du 11 novembre 2015 établissant les formulaires standard pour la publication d’avis dans la cadre de la passation de marchés publics et abrogeant le règlement d’exécution (UE) n°842/201). L’usage de ce modèle est obligatoire dès lors que le montant estimé du marché atteint les seuils de mise en concurrence européens.
Au cas présent, la communauté de communes avait certes indiqué la nature des prestations par lot dans l’avis d’appel public à la concurrence, en revanche, il n’avait ni précisé les quantités, ni les modalités de financement des lots dans les rubriques dédiées du formulaire.
La Cour administrative d’appel a considéré que les candidats n’avaient pas été informés de l’étendue et l’ampleur du marché ainsi que des modalités de son financement et conclut que l’acheteur avait manqué à ses obligations de publicité et de mise en concurrence, faute d’avoir précisé ces informations.
Elle ajoute que le règlement de la consultation ne peut pallier à ces insuffisances « dès lors que le règlement de la consultation ne fait pas l’objet des mêmes mesures de publicité que l’avis d’appel public à concurrence et n’a vocation à être remis qu’aux entreprises qui manifestent leur intérêt pour le marché en cause auprès du pouvoir adjudicateur ».
Par ailleurs, profitant d’une erreur matérielle dans les documents de la consultation, l’acheteur a modifié les critères d’attribution annoncés dans l’avis d’appel public à la concurrence. Cette contradiction est de nature à entacher la procédure de passation d’irrégularités. En effet, les informations contenues dans l’avis d’appel public à la concurrence sont intangibles. Un avis rectificatif aurait dû être publié.
En outre, l’acheteur avait prévu un sous-critère relevant du critère technique relatif à la qualité du mémoire. Eu égard à l’absence de précision supplémentaire et la possibilité d’accorder de manière discrétionnaire aux offres des notes dépourvues de valeur objective au regard de leur qualité intrinsèque, un tel critère ne peut être regardé comme suffisamment précis et l’acheteur a commis un manquement.
En revanche, la Cour administrative d’appel a validé la simulation de commandes prévue par l’acheteur pour évaluer le critère du prix, dès lors que cette simulation était bien liée à l’objet du marché. Le choix de la simulation n’avait pas pour effet de privilégier un aspect particulier du marché et le montant des offres proposées par chaque candidat pouvait être reconstitué en recourant à la même simulation. En outre, la Cour précise qu’il s’agissait bel et bien d’une méthode de notation qu’il n’avait pas lieu d’être communiquée aux candidats.
En conclusion, les manquements relevés n’ont pas eu pour effet de conférer aux contrats litigieux un contenu illicite ou d’affecter le consentement des parties. Il en résulte que l’annulation du contrat ne peut être encourue, seulement sa résiliation. Toutefois, le marché ayant été entièrement exécuté, la Cour administrative d’appel a considéré que les conclusions aux fins de résiliation ont perdu leur objet.
La notification d’un référé précontractuel – Conseil d’État, 25 juin 2018, Société hospitalière d’assurances mutuelles, n° 417686.
A compter de la notification d’un référé précontractuel, l’acheteur est tenu de suspendre la signature du contrat. Cette notification peut avoir lieu par le fait du requérant ou du tribunal.
Lorsque la notification s’effectue par voie dématérialisée (fax, courriel, télérecours), la connaissance du recours par l’acheteur est réputée acquise dès la notification par voie dématérialisée, soit sa réception, et à compter de la date de la prise de connaissance effective du recours par l’acheteur.