Avril 2015

Mizaru, Kikozaru, Iwazuru

Non, soyez rassuré(e), il n’est pas question pour nous de verser dans un nouvel art, d’inspiration japonaise et coincé entre la philosophie, le raku, et les sushis. Mais certain que nombre d’entre vous ignore le petit nom des « singes de la sagesse » (dans l’ordre, l’aveugle, le sourde et le muet), le rapprochement est des plus simples ou des plus logiques avec notre philosophie mensuelle : tout voir, tout entendre et tout (vous) dire. Et en principe, à nouveau, vous devriez être servi(e).

De nouvelles exigences durables.

Le nouveau PNAAPD (excusez du peu, ce n’est ni une insulte, et pas moins un signe ou un singe de la sagesse) est sorti presque en même temps que les œufs de Pâques ! Ce Plan National d’Actions d’Achats Publics Durables dans sa version 2015/2020 édicte de nouvelles exigences qualitatives et quantitatives à réaliser dans un calendrier (« c’est pour entre maintenant et 2020 ! ») que les acheteurs de France et de Navarre vont (devoir) encore (et plus que jamais) traduire sinon dans leur dossier de la consultation dans leurs stratégies achats et démarches contractuelles. Si la précédente mouture (2007/2012, de laquelle au passage, aucun bilan n’est dressé sauf à dire [je résume] que vus par la Commission européenne, les acheteurs publics français sont dans le top 5 européen des plus vertueux) prescrivait des exigences très cadrées ou abscondes (du genre « en matière de fenêtres (travaux de construction neuve ou travaux de rénovation), les autorités adjudicatrices françaises se fixent pour objectif d’intégrer, aux cahiers des charges, une valeur maximale de 1,8 W/m2K pour le coefficient de transmission surfacique ( !!) de l’ensemble de la fenêtre » […] « En matière de denrées alimentaires et de services de restauration collective publique, y compris pour le besoin des réceptions, les autorités adjudicatrices françaises se fixent pour objectif d’introduire, d’ici 2008, 15 % de denrées issues de l’agriculture biologique dans les menus et les prestations de restauration et 20 % à l’horizon 2010 » (ça vient de là !).

On a désormais au § 1.3 du nouveau document des objectifs plus génériques articulés autour de 3 axes déclinés en 11 chantiers, du genre « 100 % des produits et services achetés par les organisations publiques sont des produits à haute performance énergétique, sauf si le coût global des produits et services à haute performance énergétique est supérieur à celui des produits et services classiques, et dans la mesure où cela est compatible avec l’adéquation technique et la durabilité au sens large ». Mais cerise (bio) sur le gâteau, les objectifs sont désormais (au passage plus serrés qu’au moment de la consultation publique sur le document) les suivants : 25 % des marchés passés au cours de l’année comprennent au moins une disposition sociale ; 30 % des marchés passés au cours de l’année comprennent au moins une disposition environnementale ; dès l’étape de la définition du besoin, 100 % des marchés font l’objet d’une analyse approfondie, visant à définir si les objectifs du développement durable peuvent être pris en compte dans le marché ; 60 % des organisations publiques (services de l’État, établissements publics, collectivités locales et établissements publics locaux, établissements hospitaliers) sont signataires de la charte pour l’achat public durable en 2020 (charte promue par le présent plan d’action). Pour les réfractaires du Durable, sachez qu’il existe une autre interprétation des trois singes : « ne pas vouloir voir ce qui pourrait poser problème, ne rien vouloir dire de ce qu’on sait pour ne pas prendre de risque et ne pas vouloir entendre pour pouvoir faire « comme si on ne savait pas ». Chacun(e) fera avec sa conscience, c’est bien là le plus important !

« je me réserve le droit » : le sort est (partiellement) scellé…dans la (totale) frustration

Des trois singes ou sages du Palais Royal….il n’y a qu’un pas…ou presque ; mais politique des petits pas en l’espèce de la phraséologie aussi problématique qu’usitée aussi bien en MAPA qu’en procédure négociée. L’arrêt de la Haute Juridiction (27 mars 2015 association Optima) vise les marchés négociés, mais d’aucuns voudront (faire) un rapprochement avec les MAPA à travers la (petite) phrase (assassine) commune aux deux procédures du genre « les candidats sont informés que le pouvoir adjudicateur se réserve le droit de négocier avec le ou les candidats ayant présenté la meilleure offre initiale ». Le nouveau débat porte sur le parallélisme des procédures : si la négociation est obligatoire en marché négocié, et qu’un MAPA peut, s’inspirant des procédures formalisées, prévoir une négociation, les conclusions de l’arrêt « Optima » peuvent, pourraient, être déclinées en MAPA. Pour ces derniers, on savait, de manière certaine qu’une négociation menée sans être prévue (explicitement ou de manière alambiquée) conduisait à l’annulation du marché (CAA Nantes, société Phytorem SA, 07/06/13), que le pouvoir adjudicateur pouvait négocier avec qui lui semble même si les offres initiales sont inacceptables, irrégulières, inappropriées (CE, 30/11/2011 ministère de la défense ou CAA Lyon 30/01/14 commune d’Issoire). Quant à l’acception de « je me réserve le droit de négocier », les juridictions restaient partagées ou donc opposées entre la validation (TA Versailles, société AP Architecture, 08/01/14) et la censure (TA de Lille, Préfet du Nord, 05/04/11). Alors, en l’espèce d’un marché négocié, le rapporteur public s’est épanché sur la problématique de savoir si le pouvoir adjudicateur est tenu de négocier quand il s’engage dans une procédure le permettant ( !). Ainsi « il serait inutilement formaliste d’imposer au pouvoir adjudicateur une négociation qu’il ne souhaite pas. Celui-ci doit avoir le choix d’y recourir ou non. De plus, avait-il ajouté, en l’absence de précisions dans le DCE ou si le pouvoir adjudicateur se réserve la possibilité de négocier, il n’est pas contraint de le faire. Il dispose d’une entière liberté ». Si la sacrosainte formule n’est ni validée, ni critiquée, sans être permissif et à comprendre entre les lignes, on peut comprendre que l’acheteur demeure « libre » de faire ou de ne pas faire si la procédure le permet, et indépendamment de la formulation retenue à condition de respecter le principe d’égalité de traitement.

Pour conclure, il demeure enfin une autre interprétation des trois primates en fonction du sens en éveil : « ceux qui voient, en parlent, mais n’écoutent pas ce qu’on leur dit ; ceux qui ne voient rien, écoutent les autres et en parlent ; ceux qui entendent et voient des choses, mais n’en parlent pas »

La vérité est assurément dans l’une des 2 premières postures….en matière de formation !

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