Requalification d’un contrat de bail en l’état futur d’achèvement en marché public de travaux – Conseil d’État, 3 avril 2024, n° 472476

La jurisprudence administrative admet qu’un contrat de bail ou d’acquisition en l’état futur d’achèvement de biens immobiliers conclu par un acheteur soumis au code de la commande publique soit exempté de la mise en œuvre d’une procédure de publicité et de mise en concurrence à la condition que l’opération ne consiste pas en la construction d’un immeuble répondant aux exigences fixées par la personne publique (CE, 8 février 1991, Région Midi-Pyrénées, n°57679). Il en résulte un risque de requalification du contrat par le juge, révélant un manquement majeur de l’acheteur au régime de la commande publique.

Cette affaire vient illustrer ce risque au sujet d’un bail en l’état futur d’achèvement, dans le cadre d’une affaire dans laquelle l’acheteur, le centre hospitalier Alpes-Isère, constatant l’illégalité du contrat, a décidé de ne pas prendre possession des lieux, de suspendre le paiement des loyers et de demander au juge administratif d’annuler le contrat ou de le résilier.

Le juge de première instance rejette ses demandes mais le juge d’appel y fait droit. La société cocontractante se pourvoit en cassation.

Le Conseil d’État donne raison à l’établissement public ainsi qu’au juge d’appel. Premièrement, le Conseil d’État affirme que le contrat de bail à l’état futur d’achèvement est en réalité un marché public de travaux car la personne publique exerce une influence déterminante sur la conception de l’ouvrage dès lors que tant l’aménagement que la construction du nouveau bâtiment répondaient aux besoins exprimés par elle.

Deuxièmement, le juge rappelle l’interdiction d’insérer toute clause de paiement différé dans les marchés publics s’applique notamment aux établissements publics à caractère administratif. Or, le contrat en cause, requalifié de marché public de travaux, stipulait un mécanisme de « surloyers » s’analysant comme un mécanisme de paiement différé. Ainsi, cette clause, qui est eu égard à sa nature une clause indivisible du contrat, confère au contenu de ce contrat un caractère illicite. Le juge annule le contrat.

Étant donné que le contrat n’a pas été résilié mais annulé, la société ne peut solliciter une indemnisation pour résiliation pour motif d’intérêt général. Son pourvoi est rejeté.

Requalification d’un contrat de bail en l’état futur d’achèvement en marché public de travaux – Conseil d’État, 3 avril 2024, Société Victor Hugo 21, n° 472476

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