Avril 2016

Le décret d’application de l’ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics, n° 2016-360 du 25 mars 2016 relatif aux marchés publics, a été publié le 27 mars 2016 au Journal officiel.

Son entrée en vigueur, ainsi que l’ensemble du nouveau corpus législatif relatif au droit des marchés publics, est effective depuis le 1er avril 2016 pour toutes les consultations engagées à compter de cette date. La date à laquelle une consultation est engagée est la date d’envoi pour publication de l’avis d’appel public à la concurrence, ou

Le texte avait fait l’objet d’une consultation publique à la fin de l’année 2015. Depuis son étude par le Conseil d’Etat, le projet de décret a fait l’objet de peu d’amendement, et la version finale reste très proche.

Le décret reproduit la structure de l’ordonnance et comporte trois grandes parties :

  • La première est relative aux dispositions générales des marchés publics. Plus particulièrement, les articles régissent le champ d’application, la préparation du marché public, la passation du marché publics et l’exécution des marchés publics ;
  • La deuxième concerne les dispositions spécifiques aux marchés de partenariat;
  • La troisième est relative aux dispositions relatives à l’outre-mer.

Les commentaires sont, ce mois-ci, consacrés au « sourcing », à l’allotissement et au contenu des documents de marché.

Le champ d’application du décret (articles 1er et 2 du décret).

L’ordonnance du 23 juillet 2015 fixe l’ensemble des principes, le décret précise les modalités de passation et d’exécution des marchés publics, à l’exception des marchés publics de défense et de sécurité, qui font l’objet d’un second décret, n° 2016-361 du 25 mars 2016.

Le décret s’applique indifféremment à l’ensemble des acheteurs, c’est à dire des pouvoirs adjudicateurs et entités adjudicatrices. Toutefois, l’article 2 du décret précise le régime applicable à certains organismes particuliers, tels que la Banque de France, l’Institut de France ou encore la Caisse des dépôts.

Le sourcing, ou « sourçage » n’est plus, place aux « études et échanges préalables avec les opérateurs économiques » ! (Articles 4 et 5 du décret)

En dépit du changement de terme, le décret valide la pratique du « sourcing ». Aux termes de l’article 4 du décret, l’acheteur peut effectuer des consultations et des études préalables auprès des opérateurs économiques afin de définir au mieux leurs besoins au regard du marché.

Le sourcing permet à l’acheteur de mieux connaître les entreprises du secteur dans lequel il s’apprête à intervenir, et de préparer le marché, afin, notamment, de l’adapter aux conditions économiques et de la concurrence. Par son biais, l’acheteur procède à une démarche active d’identification des fournisseurs susceptibles de répondre à son besoin et, recherche et évalue les opérateurs économiques agissant sur le marché considéré. Cette pratique lui permet également d’identifier les solutions innovantes, les avancées dans un secteur donné ou tout simplement les pratiques habituelles du marché.

Cette évaluation du marché doit se faire préalablement au lancement de la consultation.

Dès 2013, le Ministère de l’économie, dans le Guide de l’achat public innovant, encourageait les acheteurs à recourir à cette pratique. Le Conseil d’Etat a par la suite confirmé la régularité de cette démarche (Conseil d’Etat, 14 novembre 2014, SMEAG, n° 373156).

Toutefois, le décret, reprenant la ligne de conduite définie par le Conseil d’Etat prévoit des gardes fous afin de respecter les principes fondamentaux du droit de la commande publics.

L’acheteur devra notamment, veiller à ne pas avantager un candidat en méconnaissance du principe d’égalité de traitement en lui communiquant des informations dont les autres candidats n’auraient pas eu connaissance, par exemple. Le cas échéant, mais seulement si l’égalité de traitement ne peut être rétablie par d’autres moyens, l’opérateur économique qui aura participé à la préparation du marché doit être écarté de la consultation, en application du I et selon les modalités prévues par le II de l’article 48 de l’ordonnance.

Le recours au sourcing, ou plus largement la participation de l’un des candidats aux phases préparatoires du marché antérieures au lancement de la procédure de mise en concurrence ne doit pas fausser la concurrence, ni violer les principes généraux de la commande publique.

L’allotissement (articles 12 et 22 du décret).

L’ordonnance du 23 juillet 2015 rend le recours à l’allotissement obligatoire tant pour les pouvoirs adjudicateurs antérieurement soumis au code des marchés publics que ceux qui étaient soumis à l’ordonnance du 6 juin 2005, sauf lorsqu’il est impossible d’identifier des prestations distinctes.
L’ordonnance reconduisait également, à droit constant, les cas permettant de déroger à l’obligation d’allotir :

  • lorsque l’acheteur n’est pas en mesure d’assurer par eux-mêmes les missions d’organisation, de pilotage et de coordination ;
  • lorsque la dévolution en lots séparés est de nature à restreindre la concurrence ou risque de rendre techniquement difficile ou financièrement plus coûteuse l’exécution des prestations.

En revanche, le décret impose désormais à l’acheteur qui décide de recourir à un marché global, non alloti, de motiver son choix. Cette obligation de procédure et de motivation, qui relève du principe de transparence, devrait faire l’objet d’un contrôle entier par le juge. En revanche, elle ne s’applique pas aux cas dans lesquels l’allotissement serait regardé insuffisant, le juge opérant sur le nombre de lots un contrôle restreint. L’article 32 de l’ordonnance dispose, en effet, que l’acheteur détermine le nombre, la taille et l’objet des lots. Si l’article 10 du code des marchés publics précisait que l’acheteur effectuait ce choix « librement », la disparition de ce mot ne change pas la lecture du texte : le juge ne pourrait se substituer à l’acheteur pour apprécier, à sa place, la taille ou le contenu des lots. Seule l’erreur manifeste susceptible de caractériser un contournement de l’obligation d’allotir serait sanctionnée.

Pour le calcul de la valeur estimée du besoin, le décret prévoit qu’en cas d’allotissement, l’acheteur doit prendre en compte la valeur totale de l’ensemble des lots. Le régime des petits lots est reconduit à l’identique : lorsque la valeur totale des lots est égale ou supérieure aux seuils de procédure formalisée, l’acheteur peut recourir à la procédure adaptée pour les lots remplissant les conditions suivantes :

  • La valeur estimée du lot concerné est inférieure à 80 000 euros HT pour des fournitures ou des services ou à 1 million d’euros HT pour des travaux ;
  • Le montant cumulé des lots en cause ne doit pas excéder 20 % de la valeur totale estimée de tous les lots.

Enfin, la limitation, initialement jurisprudentielle du nombre de lots pouvant être dévolus à un même soumissionnaire ou encore du nombre de lot pour lesquels un même opérateur pouvait présenter une offre est consacrée par l’ordonnance. Le décret prévoit, dans ces cas, que c’est à l’acheteur d’indiquer, dans les documents de la consultation, les règles d’attribution, notamment lorsqu’un soumissionnaire se verrait attribuer un nombre de lot supérieur au nombre de lot autorisé.

La polémique est venue du Sénat, qui a inséré dans le projet de loi de ratification de l’ordonnance une disposition prévoyant la suppression du dispositif permettant à l’acheteur d’autoriser les soumissionnaires à présenter une offre variable selon le nombre de lots susceptibles d’être obtenus (Sénat, Projet de loi ratifiant l’ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics, texte de la Commission des lois du 16 mars 2016, n° 478, 2015-2016). Il n’a pas échappé aux parlementaires que ce dispositif est susceptible de vider le principe de l’allotissement de tout son sens, et n’est pas cohérent avec la politique menée pour faciliter l’accès des PME à la commande publique. Affaire à suivre…

Le contenu des documents de marché (article 15 et suivants du décret)

Le contenu du marché relève de la liberté contractuelle de la personne publique, l’ordonnance du 23 juillet 2015 restait relativement discrète sur la question, notamment parce qu’elle ne relève, pour l’essentiel, pas d’un texte de niveau législatif.

L’ordonnance a toutefois transposé les développements de la directive 2014/24/UE sur la notion de cycle de vie. Dorénavant les clauses du contrat peuvent se rapportant à n’importe quel stade du cycle de vie de l’ouvrage, des services ou des fournitures faisan l’objet du marché bénéficient d’une présomption avec ce dernier. Cette notion de cycle de vie, déjà connue des acheteurs du secteur de la défense, permet au pouvoir réglementaire de laisser une place plus importante au développement durable dans les contrats de la commande publique et ainsi, encourager les acheteurs à y recourir tant lors de la passation que de l’exécution du contrat. Cette notion contribue à faire des marchés publics des vecteurs de politiques publiques.

L’ordonnance impose également de définir, dans les documents du marché, le prix et la durée d’exécution du contrat.

Le décret n’apporte aucune nouveauté quant au contenu des marchés publics :

  • le caractère écrit demeure obligatoire lorsque la valeur du marché est supérieure à 25 000 euros HT,
  • le contrat peut renvoyer aux CCAG, et comporte le cas échéant l’indication des articles auxquels il est dérogé ;
  • la durée du contrat doit tenir compte de la « nature des prestations et de la nécessité d’une remise en concurrence périodique » et demeure, dans cette mesure, à l’appréciation des acheteurs, sauf pour les accords-cadres dont la durée maximale est fixée à quatre ans, huit ans pour les entités adjudicatrices ;
  • la reconduction du contrat doit être prévue dès la mise en concurrence initiale qui doit en tenir compte. La reconduction est par principe tacite ;
  • le prix d’un marché public est par principe définitif ferme ou révisable, l’acheteur peut recourir au prix provisoire dans des cas limitativement énumérés. Il est à noter que les dispositions sur le prix s’appliquent à périmètre constant, c’est à dire seulement aux acheteurs antérieurement soumis au code des marchés publics.

Comme il est de rigueur aujourd’hui, suite au prochain épisode !

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