Toute l’actualité des marchés publics – Août 2016

Les critères de jugement des candidatures et des offres – Les dernières évolutions jurisprudentielles.

L’acheteur public doit procéder à une évaluation sincère et raisonnable de ses besoins – Conseil d’Etat, 13 juin 2016, Société Latitudes, n° 396403

Parmi les évolutions de ces derniers mois, le législateur a plafonné les exigences de l’acheteur en ce qui concerne les capacités financières des candidats. Afin de faciliter l’accès des PME à la commande publique, l’acheteur public ne peut exiger un chiffre d’affaires supérieur à deux fois le montant estimé du marché public ou du lot, sauf justifications liées à son objet ou à ses conditions d’exécution (article 44 du décret du 29 mars 2016 relatif aux marchés publics).

Cette limitation était en vigueur avant l’adoption de la nouvelle réglementation, le pouvoir réglementaire l’ayant introduit dès 2014 à l’article 45 du code des marchés publics. C’est sur ce fondement que la décision commentée statue sur les faits d’espèce.

Les services déconcentrés du Ministère de l’environnement en région Nord-Pas-de-Calais-Picardie (DREAL) avaient lancé un appel d’offres en vue de l’attribution d’un marché d’études d’aménagement foncier portant sur un périmètre déterminé situé dans la Somme. Une des sociétés évincées a contesté le rejet de son offre.

Lors du jugement de première instance, le juge des référés a opéré une substitution de motifs et rejeté la demande de la société. En effet, au cours de la procédure, le préfet de Région, sur le fondement de la décision du Conseil d’Etat du 24 juin 2011, Commune de Rouen (n° 347840), avait demandé une substitution de motif dans la lettre de rejet de l’offre présentée en tant que l’offre du requérant était irrégulière. L’offre présentée ne respectait pas les conditions de capacité financière minimales imposées par les documents du marché.

L’entreprise évincée s’est pourvue en cassation devant le Conseil d’Etat en contestant la légalité de l’exigence minimale imposée par l’acheteur.

Elle soutenait que le niveau minimal de chiffre d’affaire exigé, 400 000 euros, était largement supérieur au double du montant du marché, le marché ayant été conclu pour 84 504 euros.

Pour le Conseil d’Etat, le juge des référés n’aurait pas dû faire droit à la demande de substitution de motifs.

Si l’acheteur est libre de déterminer ses besoins comme il l’entend, il doit toutefois, procéder à une estimation sincère et raisonnable du montant du marché afin notamment de ne pas contourner les grands principes de la commande publique. Le juge opère en la matière un contrôle concret, au vu des pièces du dossier.

Au cas présent, au regard des circonstance de l’espèce, et notamment du montant des offres présentées, le montant du marché avait été surévalué et ne permettait donc pas de demander un chiffre d’affaires minimal aussi important. Le Conseil d’Etat a cassé l’ordonnance du juge des référés et annulé la procédure de passation.

La notation des offres.

Selon une jurisprudence constante, l’acheteur est tenu d’informer les candidats dès l’engagement de la procédure des critères d’attribution retenus et ce, dans l’avis d’appel public à concurrence ou le cahier des charges. Les critères sont choisis au regard des modalités appropriées à l’objet, des caractéristiques et du montant du marché concerné.

Si l’acheteur choisit d’autres critères que celui du prix ou du coût global de l’offre, l’information doit alors porter également sur les conditions de mise en œuvre de ces critères (pondération ou hiérarchisation). Cette même obligation est étendue aux sous-critères, dès lors que ces sous-critères sont susceptibles d’exercer une influence sur la présentation des offres par les candidats ainsi que sur leur sélection.

La nouvelle réglementation issue de l’ordonnance du 23 juillet 2015 ne revient pas sur ces principes, appliquée par de nouvelles décisions

La publicité des conditions de mise en œuvre des sous-critères : principe – Cour administrative d’appel de Lyon, 17 mars 2016, Société MBH Samu, n° 15LY01116.

La Cour administrative d’appel de Lyon juge que l’acheteur aurait dû porter à la connaissance des candidats les conditions de mise en œuvre des sous-critères en tant qu’ils exerçaient une influence sur la décision finale.

D’une part, le pouvoir adjudicateur s’est référé à des éléments qui n’étaient pas mentionnés précisément dans le règlement de la consultation pour apprécier les offres. D’autre part, il a apprécié un critère relatif à la valeur technique au regard de sous-critères différents de ceux mentionnés dans le règlement de la consultation. Enfin, certains sous-critères relatifs au critère de la valeur technique ont eu d’avantage de poids que les autres.

Dans ces conditions, ces sous-critères auraient dû faire l’objet d’une mesure de publicité eu égard à leur nature et l’importance de leur pondération dans l’appréciation des offres.

Cependant, pour la Cour, ce manquement relevé dans le cadre d’un recours en contestation de la validité du contrat, en non devant le juge du référé précontractuel, ne présente pas une « particulière gravité » et ne justifie ni l’annulation, ni la résiliation du marché. Selon elle, le manquement n’affecte ni le contenu du contrat, étant entendu qu’il s’agissait d’un recours en contestation de validité du contrat et non un référé précontractuel, ni le choix de l’attributaire ou les conditions dans lesquelles la société évincée a élaboré et présenté son offre.

Obligation de respecter les critères et les conditions de leur mise en œuvre définis préalablement – Cour administrative d’appel de Douai, 2 juin 2016, Communauté de communes de l’Abbevillois, n° 14DA00525

Au cas présent, pour apprécier les offres, le pouvoir adjudicateur s’était fondé sur trois critères, à savoir, le prix, la valeur technique de l’offre et le délai d’intervention. Le critère relatif à la valeur technique de l’offre comportait lui-même trois sous-critères, notés respectivement sur 5, 3 et 2 points. Pour autant, un des candidats avait reçu la note de 4,5 sur 5 alors même que le règlement de la consultation rendait impossible l’attribution d’une telle notation.

Après étude des pièces fournies, le juge des référés a jugé que l’offre de la société évincée était l’offre économiquement la plus avantageuse et a procédé à l’indemnisation de son préjudice.

Interdiction de neutraliser les critères – Cour administrative d’appel de Paris, 8 février 2016, Communes de Lognes, n° 15PA02953

Par cet arrêt, la Cour administrative d’appel de Paris rappelle que le pouvoir adjudicateur doit veiller à ne pas mettre en place des formules de notation visant à neutraliser un des critères, en l’espèce le critère du prix.

En l’occurrence, en application du règlement de la consultation, la formule appliquée au critère du prix prévoyait d’attribuer la note maximale au candidat ayant proposé le meilleur prix et une note nulle au candidat ayant proposé l’offre la plus chère, et ce quelque soit l’écart entre les prix. Or, cette formule de notation était de nature à priver de leur portée les critères de sélection et à neutraliser leur pondération dès lors que seulement deux candidatures avaient été enregistrées.

En effet, elle était susceptible de conduire à ce que la meilleure note ne soit pas attribuée à la meilleure offre ou, au regard de l’ensemble des critères pondérés, à ce que l’offre économiquement la plus avantageuse ne soit pas choisie.

Cet arrêt rappelle donc que les acheteurs sont tenus de respecter les principes de la commande publique alors même que la personne publique n’est pas tenue de rendre publique la méthode de notation (Conseil d’Etat, 31 mars 2010, Collectivité territoriale de Corse, n° 334279).

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