Toute l’actualité des marchés publics – Février 2017

Newsletter CFPA – Février 2017

Actualité législative.

Loi n° 2017-86 du 27 janvier 2017 relative à l’égalité et à la citoyenneté.

La loi du 27 janvier 2017 vise principalement à favoriser l’engagement au service de l’intérêt général notamment en créant la réserve civique et en élargissant le service civique. Elle introduit deux nouvelles dispositions relatives au droit des marchés publics.

D’une part, elle modifie la loi n° 2000-614 du 5 juillet 2000 relative à l’accueil et à l’habitat des gens du voyage. Désormais le préfet peut se substituer à une collectivité territoriale, lorsque cette dernière ne remplit pas ses obligations en matière d’aménagement, d’entretien et de gestion des aires permanentes d’accueil, des aires de grand passage et des terrains familiaux locatifs aménagés, en procédant à la passation de marchés publics, selon les règles de procédures applicables à l’État, afin de faire procéder d’office à l’exécution des mesures nécessaires.

D’autre part, l’article 213 de la loi du 27 janvier 2017 modifie l’article 38 de l’ordonnance du 23 juillet 2915 relative aux marchés publics. Il dorénavant est précisé que les conditions d’exécution des marchés publics, c’est-à-dire les clauses du cahier des charges peuvent prendre en compte l’innovation ou encore l’emploi mais également la lutte contre les discriminations, dès lors que celles-ci restent liées à l’objet du marché.

Cette nouvelle disposition s’ajoute à l’obligation de lutte contre les discriminations déjà à la charge des pouvoirs adjudicateurs. En effet, l’article 45 de l’ordonnance imposait déjà d’interdire l’accès à la commande publique aux entreprises ayant été condamnées depuis moins de trois ans pour discrimination.

Pour rappel, l’article 225-1 du Code pénal définit la discrimination comme « toute distinction opérée entre les personnes physiques [ou les personnes morales] sur le fondement de leur origine, de leur sexe, de leur situation de famille, de leur grossesse, de leur apparence physique, de la particulière vulnérabilité résultant de leur situation économique, apparente ou connue de son auteur, de leur patronyme, de leur lieu de résidence, de leur état de santé, de leur perte d’autonomie, de leur handicap, de leurs caractéristiques génétiques, de leurs mœurs, de leur orientation sexuelle, de leur identité de genre, de leur âge, de leurs opinions politiques, de leurs activités syndicales, de leur capacité à s’exprimer dans une langue autre que le français, de leur appartenance ou de leur non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une Nation, une prétendue race ou une religion déterminée. ».

Mais si la mise en pratique de l’interdiction de soumissionner ne pose aucune difficulté, il en sera autrement en ce qui concerne ces nouvelles dispositions, ainsi rédigées : « Elles peuvent aussi prendre en compte la politique menée par l’entreprise en matière de lutte contre les discriminations. »

En pratique, encore faut-il comprendre comment les conditions d’exécution du marché, qui sont encore une fois les clauses du contrat, peuvent prendre en compte une appréciation portée sur l’entreprise, telle que, par exemple, la responsabilité sociale de l’entreprise (RSE), très à la mode en ce moment dans les dossiers de la consultation. Ces considérations relèvent du regard porté sur l’entreprise, c’est à dire de la candidature, et non de l’offre, qui est la réponse apportée au cahier des charges.

Elles confirment la crainte des praticiens, qui redoutaient que le législateur ne complique le droit des marchés publics en y intégrant de manière récurrente des dispositions politiquement correctes mais complètement absconses. Heureusement, il ne s’agit pas d’une contrainte, mais de droit mou, qui identifie une simple faculté que les acheteurs peuvent mobiliser, sans obligation.

En d’autres termes, il s’agit d’une disposition non contraignante et inapplicable, qui rappelle la formule du rapport public que le Conseil d’Etat avait consacré à la qualité des normes en 1991, sous la plume de Françoise Chandernagor : « Quand le droit bavarde, le citoyen ne lui prête plus qu’une oreille distraite ».

Les temps qui courent devraient inciter le législateur à enfin l’entendre.

Mise à jour des fiches techniques sur le site de la DAJ

La mise à jour des fiches d’aide aux acheteurs de la Direction des affaires juridiques du Ministère de l’économie et des finances, afin de tenir compte de l’entrée en vigueur du nouveaux corpus législatif relatif aux contrats de la commande publique, se poursuit.

Une des fiches techniques mises à jour publiées en janvier 2017 est relative aux interdictions de soumissionner. La transposition des directives européennes par l’ordonnance du 23 juillet 2015 avait apporté des nouveautés majeures en la matière en introduisant des interdictions de soumissionner facultatives, en encadrant la possibilité d’interdire l’accès à un marché à un candidat sanctionné lors de l’exécution d’un précédent marché et, en autorisant la dérogation aux interdictions de soumissionner en raison d’un motif impérieux d’intérêt général. La fiche technique de la DAJ reprend ces différents éléments sous forme de tableau.

La DAJ a également mise à jour la fiche technique relative aux modalités de modification des contrats en cours d’exécution. Cette fiche reprend les différentes hypothèses de modifications du contrat et leur mise en œuvre au sein du contrat.

Les autres fiches techniques mises à jours sont relatives aux comptables assignataires, la présentation des candidatures qui expose les informations pouvant être demandées, l’achat des livres scolaires et les règles de passation propres qui s’y appliquent et notamment le seuil dérogatoire de 90 000 euros HT, l’intérêt transfrontalier certain et, les marchés publics de défense et de sécurité.

Actualité jurisprudentielle

Recevabilité du référé contractuel – Conseil d’Etat, 23 janvier 2017, Société Decremps BTP, n° 401400.

Le Conseil d’Etat précise le régime de la recevabilité du référé contractuel dans le cadre d’une procédure adaptée.

Un référé précontractuel est irrecevable à dater de la signature du marché. Le référé contractuel peut alors être ouvert à deux conditions :

  • une condition de délai : il doit avoir été formé dans un délai de 6 mois à compter de la signature, en l’absence de la publication d’un avis d’attribution, ou de 31 jours à compter de la publication d’un avis d’attribution ;
  • une condition de procédure : le pouvoir adjudicateur ne doit pas avoir publié un avis d’intention de conclure au Journal officiel de l’Union européenne et respecté un délai de 11 jours à compter de la publication de l’avis.

En l’espèce, un syndicat intercommunal avait lancé une procédure adaptée pour attribuer un marché portant, notamment, sur l’extension et la rénovation du réseau d’eau et d’assainissement. Un des candidats évincés se voit notifier la décision d’attribution de ce marché, assortie de la suspension de la signature du marché pour 13 jours. Au terme de ce délai, le syndicat intercommunal signe le marché. Le jour même le candidat évincé saisit le tribunal administratif d’un référé précontractuel. Après avoir été informé de la signature du marché, il demande la requalification de son action en référé contractuel. Le juge des référés a rejeté son recours comme irrecevable, et la société se pourvoit en cassation contre cette décision devant le Conseil d’Etat.

Le Conseil d’Etat juge le recours en référé contractuel recevable dès lors que le syndicat intercommunal n’avait pas rendu publique son intention de conclure le contrat par la publication d’un avis d’intention de conclure et n’avait pas observé, avant de le signer, un délai d’au moins onze jours entre la date de publication de l’avis et la date de conclusion du contrat, quand bien même il avait pris soin de notifier à la requérante le les motifs du choix de l’attributaire et avait respecté un délai avant de signer le contrat.

En d’autres termes, pour empêcher le référé contractuel, l’information des candidats évincés doit appliquer les dispositions, facultatives, de l’article L. 551-15 du code de justice administrative, qui fixent le régime de l’avis d’intention de conclure.

Pour autant, même recevable, le succès d’un tel recours reste conditionné à la production de moyens tirés de l’absence de publicité ou de la violation du délai de suspension. À défaut, tous les autres moyens seront inopérants : la saisine du juge du référé contractuel sera recevable mais celui-ci ne pourra que rejeter le recours.

Quelques mois plutôt, le Conseil d’Etat était venu rappeler que la notification du référé précontractuel au pouvoir adjudicateur pouvait se faire par le biais de l’application Télérecours. En l’espèce, le pouvoir adjudicateur avait signé le marché après la saisine du juge par un candidat évincé et alors même que le greffe du Tribunal avait mis à disposition la requête sur l’application Télérecours. Pour le Conseil d’Etat, cette mise à disposition sur Télérecours, même si non effectuée par le candidat, valait notification du référé précontractuel et suspension de la signature du contrat. Le Conseil d’Etat a donc requalifié la requête en référé contractuel et a annulé le contrat (Conseil d’Etat, 17 octobre 2016, Société Tribord, n°400791).

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