Mai 2016

Episode 2 : la nouvelle réglementation en matière de marchés publics, le décret n° 2016-360 du 25 mars 2016 relatif aux marchés publics

Comme nous avons déjà pu le constater le mois dernier, la nouvelle réglementation relative aux marchés publics pose des règles novatrices. Suite et fin de l’examen de son contenu.

L’évaluation préalable (art. 24)

Le pouvoir adjudicateur doit faire précéder la passation d’un marché public d’une évaluation préalable portant sur les différents modes de gestion contractuelle du projet et leurs impacts sur son coût global et la gestion des risques. Cette technique était déjà imposée pour la passation des contrats de partenariat. Cette mesure montre que l’achat public constitue un acte économique dont il convient de mesurer l’impact, comme celles, en particulier, relatives aux études préparatoires menées avec les opérateurs économiques (le « sourçage »).

L’évaluation est obligatoire pour tout projet d’un montant d’investissement dont l’évaluation atteint 100 millions d’euros HT.

Les procédures (art. 25 et suivants)

Les procédures formalisées sont dorénavant au nombre de trois : l’appel d’offres, la procédure concurrentielle avec négociation, qui se substitue à la procédure négociée avec mise en concurrence, dont la terminologie est désormais réservée aux entités adjudicatrices, et le dialogue compétitif. La procédure négociée sans publicité préalable et sans mise en concurrence n’est désormais plus regardée comme une procédure formalisée, mais subsiste, selon la même économie générale qu’auparavant.

Il est à noter que les délais de publicité sont raccourcis.

L’une des principales nouveautés de la réforme réside dans les cas d’ouverture des procédures formalisées dérogatoires. Le champ d’application des procédures du dialogue compétitif et de la procédure concurrentielle avec négociation sont communs. Surtout, les hypothèses de recours à ces procédures sont élargies, de sorte que les acheteurs peuvent y recourir pour les travaux, fournitures ou services remplissant un ou plusieurs des critères suivants :

  • les besoins du pouvoir adjudicateur ne peuvent être satisfaits sans adapter des solutions immédiatement disponibles ;
  • ils portent notamment sur de la conception ou des solutions innovantes ;
  • le marché ne peut être attribué sans négociations préalables du fait de circonstances particulières liées à sa nature, à sa complexité ou au montage juridique et financier ou en raison des risques qui s’y rattachent ;
  • le pouvoir adjudicateur n’est pas en mesure de définir les spécifications techniques avec une précision suffisante.

En d’autres termes, l’utilisation de l’appel d’offres reste le principe, mais son usage va devenir résiduel et se restreindre, essentiellement, aux achats courants. L’achat est optimisé en cas de négociation.

La disparition de la distinction entre les marchés de services prioritaires et non prioritaires

La dichotomie entre les marchés de service dits prioritaires et les marchés de service, dits « non prioritaires » a disparu. Dorénavant l’ensemble des marchés de service est soumis aux règles de droit commun, à savoir le recours aux procédures formalisées dès lors que le seuil européen de mise en concurrence est atteint. Toutefois, une dérogation demeure les marchés de services sociaux et autres services spécifiques dont la liste figure dans l’avis relatif aux contrats de la commande publique ayant pour objet des services sociaux et autres services spécifiques (NOR : EINM1608208V), ainsi que les marchés de services juridiques de représentation, sont passés en procédure adaptée sans considération de la valeur estimée du besoin. En pratique, la faculté de recourir à la négociation constituant le principal intérêt du recours à la procédure adaptée pour les marchés importants, la disparition de la notion de services non prioritaires n’a, en réalité, que peu d’importance sur la plan des procédures de commande publique.

La procédure négociée sans publicité ni mise en concurrence préalables

Enfin, la procédure négociée sans publicité ni mise en concurrence préalables demeure, son économie générale est inchangée. Les dispositions de l’article 30 du décret listent ainsi l’ensemble de ses cas d’ouverture, comme, par exemple, le cas dans lequel le marché a pour l’objet la conclusion de marchés similaires ou celui de l’acquisition de fournitures complémentaires lorsqu’un changement de fournisseur obligerait l’acheteur à acquérir des fournitures de caractéristiques techniques différentes. Y figurent les dispositions permettant d’attribuer le marché sans mise en concurrence au seul opérateur économique pouvant l’exécuter, en raison de droits d’exclusivité ou de raisons techniques. A noter que les travaux et les services complémentaires ne permettent plus de conclure un marché complémentaire sans mise en concurrence, mais ouvrent la possibilité de modifier le marché et de conclure un avenant (voir ci-dessous).

L’article 30 recense l’ensemble de ses cas d’ouverture, même celles réservées, par hypothèse, aux marchés dont le montant est inférieur aux seuils européens de mise en concurrence. Il y est ainsi disposé que l’acheteur puisse y avoir recours pour les marchés d’une valeur inférieure à 25 000 euros HT, à condition, comme par le passé, de veiller à choisir une offre pertinente et à ne pas contracter systématiquement avec le même opérateur. A noter l’insertion d’une mesure sectorielle très attendue par les libraires de proximité, permettant l’achat sans mise en concurrence de livres non scolaires dont le montant estimé n’atteint pas 90 000 euros HT, les acheteurs tenant compte de l’impératif de maintien sur le territoire d’un réseau dense de détaillants.

La dématérialisation (art. 38 à 42)

La nouvelle réglementation inscrit l’obligation de dématérialiser toutes les procédures et tous les marchés à compter d’avril 2017 pour les centrales d’achats et d’octobre 2018 pour tous les autres acheteurs.

D’ores et déjà, la Commission européenne a mis en place la plateforme internet eDume qui permet de remplir en ligne et de dématérialiser le formulaire type adopté par la Commission européenne dans le règlement (UE) d’exécution n° 2016/7 du 5 janvier 2016. Le candidat peut, selon le cas, télécharger et joindre la copie du formulaire à son dossier papier ou le remplir et l’envoyer par voie électronique en cas de procédure dématérialisée.

L’analyse des offres et des candidatures (art. 44 et suivants)

Transposant les dispositions de la directive 2014/24/UE du 26 février 2014, l’acheteur peut, en procédure ouverte, procéder à l’examen des offres avant celui des candidatures. Toutefois, il sera dans tous les cas fait obligation d’examiner la recevabilité de l’ensemble des candidatures (art. 55).

En outre, sur le modèle du dispositif de régularisation des candidatures, l’acheteur peut dorénavant demander, en procédure d’appel d’offres et en procédure adaptée sans négociation, la régularisation des offres irrégulières, dans un délai approprié, à condition qu’elles ne soient pas anormalement basses (art. 59). Pour les autres procédures, les offres irrégulières et inacceptables, à conditions qu’elles ne soient pas anormalement basses, peuvent être régularisées lors de la négociation. La dernière offre remise à la clôture de la négociation peut encore être régularisée si elle était encore irrégulière. A noter qu’une offre irrégulière est, désormais, une offre incomplète, qui ne respecte pas le cahier des charges ou qui ne respecte pas la réglementation. Une offre inacceptable est une offre trop chère, en tant qu’elle dépasse le budget que l’acheteur a alloué au projet.

Les offres anormalement basses, plus strictement contrôlées (art. 60), ne sont jamais régularisables.

Enfin, l’offre économique la plus avantageuse est toujours appréciée au regard de critères non discriminatoires et de leurs modalités de mise en œuvre, indiqués dans les documents de la consultation. Le recours au critère unique demeure possible pour les achats courants, ce critère étant alors le prix ou le coût global, de manière à pouvoir tenir compte de la notion de cycle de vie de l’ouvrage, des fournitures ou des services.

La sous-traitance (art. 133 et suivants)

Concernant la sous-traitance, il convient de noter que l’acheteur est en droit de la limiter et peut refuser la sous-traitance de prestations essentielles du marché. L’acheteur est ainsi en mesure de partiellement interdire la sous-traitance sur les prestations portant directement sur l’objet du marché. Les sous-traitants peuvent, en outre, être rejetés si le prix auquel ils indiquent devoir exécuter les prestations présente le caractère d’un prix anormalement bas.

La modification du marché (art. 139 et suivants).

Le recours à l’avenant est, à la fois, plus souple, en tant que les possibilités de conclure des avenants sont plus importantes, et plus encadré, en tant que les avenants sont désormais soumis à un champ d’application déterminé, laissant apparaître une obligation de lecture restrictive de ces dispositions. Le juge exercerait probablement un contrôle entier en la matière.

En principe, il n’est plus autorisé de modifier le marché en cours d’exécution, sauf dans l’un des six cas d’ouverture énumérées par le texte :

  • lorsque les modifications, quelle que soit leur valeur monétaire, ont été prévues dans les clauses du marché, sous la forme d’une clause de réexamen, à la condition que cette clause soit claire, précise et univoque, qu’elle indique le champ d’application et la nature des éventuelles modifications ainsi que les conditions de son application ;
  • pour les travaux, services ou fournitures supplémentaires devenus nécessaires et ne figurant pas dans le marché initial, lorsqu’un changement de contractant est impossible ou présenterait des inconvénients disproportionnés ;
  • lorsque la modification est rendue nécessaire par des circonstances imprévues;
  • en cas changement de cocontractant (avenant de transfert) ;
  • lorsque les modifications ne sont pas substantielles, c’est à dire qu’elle n’implliquent pas de modification du périmètre de la mise en concurrence initiale ;
  • lorsque les modifications entraînent une modification mineure de la valeur du marché, c’est à dire que la valeur de la modification est inférieure aux seuils de mise en concurrence européenne et qu’elle est inférieure à 10 % du montant initial du marché pour les marchés de fournitures et de services, à 15 % pour les marchés de travaux.

Il reste strictement interdit de modifier l’objet du marché.

A noter que l’entrée en vigueur de la réforme s’est notamment accompagnée de la publication de l’arrêté du 29 mars 2016 fixant la liste des renseignements et des documents pouvant être demandés aux candidats aux marchés publics, qui abroge et remplace celui du 28 aout 2006. La direction des affaires juridiques des ministères financiers a également :

  • actualisé un grand nombre de ses fiches pratiques ;
  • mis à jour les formulaires (DC1 et DC2) et leur notice explicative ;
  • remplacé le DC3 par un nouveau formulaire, « ATTR1 », lequel n’a plus à être signé,, seule la signature du marché étant obligatoire.
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